La vallée s’assombrit, les nuages laiteux se dirigent progressivement vers le nord.
À droite, la résidence « Pyrénées Soleil » contient 106 logements secondaires. À gauche, le camping « Airotel Pyrénées » est un village vacances 5 étoiles haut de gamme. À cette période le calme règne, la résidence et le camping se sont endormis dès la fin de l’été.
Dès le XVIIIe siècle, le peuplier est planté, cultivé et abattu dans la vallée afin de satisfaire les besoins de la construction et du chauffage. Il en résulte un paysage agropastoral intensif sans une seule parcelle inutilisée. La motivation première est la conservation des forêts environnantes afin d’être protégé des éventuelles avalanches. Le peuplier deviendra même un des symboles du blason de Luz-Saint-Sauveur. Aujourd’hui, le parpaing a remplacé le rondin, les cultures bordées de peupliers sont devenues résidences, parkings ou parcs aménagés.
De nombreuses granges foraines s’étendent le long des sentiers. Utilisées pour stocker le foin et le regain des prés attenants, elles servaient parfois de logement aux animaux. Appelées « Bordes » dans les Pyrénées, elles font partie du patrimoine architectural et sont par conséquent très recherchées pour être réhabilitées en résidence secondaire ou en logement de tourisme.
De nouvelles formes d’habitats touristiques dites insolites apparaissent dans les montagnes. Ici, un parc de 5 « yourtes mongoles » mis en place en 2017 à 1300 mètres d’altitude en face du cirque de Gavarnie. 4 « tipis indiens » avaient déjà été inaugurés en 2013 par le même propriétaire.
Le véhicule peine à gravir les 10 kilomètres qui séparent la ville de Gavarnie et le col de Tentes. La pluie battante et les rafales de vent le freinent dans l’ascension des 900 mètres de dénivelé positif. Malgré la sûreté procurée par l’habitacle de la voiture, je prends conscience du danger et de l’imprévisibilité des conditions climatiques en montagne. Je fais demi-tour à quelques centaines de mètres du col et descends avec prudence les routes ondoyantes.
Au fond des gorges, la roche moite abrite les jeunes truites du gave.
Quelques dizaines de mètres au-dessus, le pont de Napoléon enjambe la vallée du gave de Gavarnie. Construit entre 1859 et 1863 et financé par Napoléon III, il est aujourd’hui un lieu privilégié pour le saut à l’élastique.
Le col de Riou donne accès à un panoramique sur la vallée de Luz-Saint-Sauveur, mais aussi sur celle plus à l’ouest ; la vallée de Cauterets. Un hôtel, dont il ne reste que des ruines, prenait place sur le col et permettait de relier les deux villes thermales. Abandonné pendant la Seconde Guerre mondiale, il était fréquenté par les curistes qui souhaitaient se restaurer ou regarder, pour 20 centimes, l’observatoire du pic du Midi à l’aide d’une longue vue.
Les stations de ski qui ont de la neige plus tôt dans l’année bénéficient d’une certaine exclusivité dans un marché du tourisme ultra concurrentiel. Afin de garantir un enneigement minimal et d’offrir aux touristes le paysage hivernal qu’ils désirent, les stations utilisent notamment ces canons à neige. Celle de Luz-Ardiden en a mis 116 en place pour couvrir les 110 hectares du domaine. Cette neige de culture est produite à partir d’une quantité colossale d’eau majoritairement stockée dans des bassins artificiels, en moyenne 4000 m3 d’eau pour couvrir 1 hectare sur 60 centimètres. Plus dense que la neige naturelle, sa fonte tardive modifie la structure du sol et perturbe par conséquent les cycles de la flore et de la faune.
Traditionnellement construites en utilisant la technique de la pierre sèche, sans mortier, ces cabanes servaient autrefois d’abris pour les bergers pendant la période de transhumance. À présent, certaines sont en ruine, d’autres sont rénovées et accueillent le temps d’une nuit des randonneurs en quête de refuge.
Les grandes étendues rases accueillant les skieurs en hiver semblent bien nues sans leur manteau blanc. Les câbles reliant les remontées mécaniques lacèrent le territoire de part et d’autre.
Sur les berges du ruisseau de Païlla, le corps d’une vache d’élevage git depuis quelques jours. Les vautours se sont déjà servis, mais certains rôdent toujours près de la dépouille.
Depuis la fin des années 90, un programme de réintroduction d’ours brun dans les montagnes pyrénéennes fait débat. Suite aux nombreuses attaques et dérochements que les éleveurs imputent à l’ours, des manifestations sont régulièrement organisées. La dernière date d’il y a 4 jours et a rassemblé environ 200 militants devant la préfecture de Tarbes. Fin août, 28 associations françaises et espagnoles ont fait paraître un communiqué en réponse aux manifestations anti-ours. Il tend à démontrer que la cohabitation est possible, que l’ours ne peut être tenu comme responsable des difficultés de l’élevage de montagne à s’adapter au nouveau marché réglementé, concurrencé et surtout mondialisé.
Les premières feuilles d’automne sont tombées dans la vallée. Le vent du sud « le Balaguère » passé la veille a réchauffé l’air. Dans les rues de Luz, certaines nouvelles circulent ; le vent chaud est souvent suivi de fortes précipitations voire de chutes de neige.
Les eaux se déchaînent, le lit du gave a fortement augmenté ces derniers jours. Quelques centaines de mètres en amont, un des nombreux barrages hydroélectriques intensifie le courant en relâchant les eaux utilisées pour faire tourner les turbines.
Les premiers flocons se sont déposés sur les hauteurs, seules les neiges agrippées à la cime résisteront aux rayons du soleil des jours suivants. Les commerçants de la vallée semblent rassurés, ils annoncent un bel hiver.
Cette nuit, la lune éclaire le flanc ouest du col du Tourmalet. Il n’y a pas de nuage, mais le froid est bien là. Le silence est brisé par le crépitement des braises ardentes. Cette fenêtre temporelle de tranquilité n’est qu’une accalmie, elle se refermera sous peu et laissera place à l’agitation du tourisme hivernal.
